Recommandations rapides: Mises a jour des lignes directrices en 2024 : partie 1

Il est essentiel pour les professionnels de la santé de se tenir au fait des lignes directrices de pratique clinique. Cet article, le premier d’une série en 3 parties, résume les principales mises à jour de 2024 des lignes directrices qui s’appliquent à la pratique des soins primaires. Cet article en particulier met l’accent sur de récents conseils fondés sur des données probantes qui influent sur les soins cardiovasculaires et la prise en charge des problèmes métaboliques, et en offre un aperçu pratique aux médecins de famille à l’emploi du temps chargé.

La Société européenne de cardiologie (ESC) recommande un dépistage opportuniste à tous les 1 à 3 ans pour ceux dont la pression artérielle (PA) est élevée (classe IIa, données probantes de niveau C)1. L’hypertension est habituellement asymptomatique; le dépistage opportuniste facilite une détection précoce. Les adultes à faible risque (<40 ans) devraient faire l’objet d’un dépistage tous les 3 ans, tandis que ceux de 40 ans ou plus ou qui ont eu antérieurement une PA élevée sans nécessiter de traitement devraient subir un dépistage chaque année.

L’ESC recommande de classifier la prise en charge de la PA élevée à la consultation (120-139/70-89 mm Hg) en se fondant sur le degré de risque cardiovasculaire (classe I, données probantes de niveau B)1. La prise en charge de la PA au moyen d’interventions liées seulement au mode de vie est appropriée pour les groupes suivants : les adultes de 85 ans et plus, les personnes atteintes d’une fragilité de modérée à sévère, celles ayant une hypotension orthostatique symptomatique ou celles dont le score de risque cardiovasculaire est faible (valeur à l’évaluation systématique du risque coronarien 2 [SCORE2] <5 %) (classe I, données probantes de niveau B). Il faut amorcer une pharmacothérapie chez les patients à risque élevé, notamment ceux qui souffrent d’une maladie cardiovasculaire, d’une néphropathie chronique de modérée à sévère, de diabète, d’une hyperlipidémie familiale, d’atteintes à un organe médiées par l’hypertension, ou qui ont une valeur de risque SCORE2 de 10 % ou plus, de même que pour ceux dont la PA demeure à 130/80 mm Hg ou plus après 3 mois d’interventions hygiénodiététiques (classe I, données probantes de niveau A). La décision du traitement pour les patients à risque intermédiaire (valeur SCORE2 entre 5 et 10 %) tient compte des modificateurs de risque additionnels (p. ex. troubles liés à la grossesse, antécédents familiaux, troubles inflammatoires). D’autres examens (p. ex. tomodensitométrie des dépôts calciques coronaires, échographie de la carotide, dépistage des biomarqueurs) peuvent être envisagés.

L’ESC recommande une cible thérapeutique de PA entre 120-129/70-79 mm Hg pour la plupart des adultes qui reçoivent des antihypertenseurs (classe I, données probantes de niveau A pour la PA systolique et classe IIb, données probantes de niveau C pour la PA diastolique)1. Un contrôle intensif de la PA réduit les taux moyens d’événements cardiovasculaires. Il faut confirmer le diagnostic par des mesures à domicile ou ambulatoires si la PA en cabinet est de 140/90 mm Hg ou plus, ou encore si elle se situe entre 130-139/80-89 mm Hg et s’accompagne de facteurs de risque (classe I, données probantes de niveau A). Si la PA demeure à 130/80 mm Hg ou plus, il faut cibler une valeur entre 120-129/70-79 mm Hg au moyen d’une combinaison d’interventions hygiénodiététiques et pharmacothérapeutiques. On cible une valeur moins stricte, soit la PA la plus basse tolérée, chez les patients âgés de 85 ans ou plus, ceux qui ont une hypotension orthostatique symptomatique ou ceux qui ont une fragilité de modérée à sévère. Cette approche rejoint celle des lignes directrices d’Hypertension Canada qui recommandent une cible de PA systolique de moins de 130 mm Hg pour la plupart des patients, quel que soit le risque cardiovasculaire. Les valeurs cibles de la PA diastolique ne sont pas précisées compte tenu des données limitées étayant des bienfaits additionnels. Une cible individualisée plus élevée peut être appropriée pour les patients fragiles ou symptomatiques2.

L’ESC recommande, comme traitement initial de l’hypertension sans complication, une thérapie d’association à faible dose, combinant notamment un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA) avec un bloquant des canaux calciques (BCC) dihydropyridinique, ou un diurétique thiazidique ou de type thiazidique (classe I, données probantes de niveau B)1. L’association de médicaments produit des effets synergétiques potentiels en ciblant de multiples voies pathophysiologiques et peut éventuellement atténuer les effets secondaires en permettant des doses plus faibles. On passe ensuite à une triple thérapie à faible dose, puis on maximise les doses si la PA demeure incontrôlée après 1 à 3 mois. On peut envisager l’ajout de spironolactone pour l’hypertension résistante (classe IIa, données probantes de niveau B). Pour les patients de la catégorie de PA élevée (p. ex. PA 120-139/70-89 mm Hg), ceux d’une fragilité modérée à sévère, ceux ayant une hypotension orthostatique symptomatique ou ceux de 85 ans ou plus, on envisage initialement une monothérapie sous forme d’un BCC dihydropyridinique à longue durée d’action ou d’un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA) (classe IIa, données probantes de niveau B). Ces recommandations ne modifient pas les traitements de populations spécifiques, y compris celles ayant fait un infarctus du myocarde (β-bloquants et bloqueurs du SRA), celles souffrant d’angine (β-bloquants et/ou BCC), d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite (IC-FEr) (quadruple thérapie), d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (ARA et/ou antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes [ARM]), de néphropathie chronique (inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 [SGLT2I] et bloqueurs du SRA), d’un AVC (bloqueur du SRA et BCC); les patients de race noire (diurétiques et/ou BCC); et les patientes enceintes (BCC dihydropyridinique ou labétalol).

L’ESC suggère d’envisager une dénervation rénale pour certains patients dont l’hypertension n’est pas maîtrisée malgré des doses maximales de la médication ou pour ceux à risque cardiovasculaire élevé qui sont intolérants ou ne se conforment pas à la médication (classe IIb, données probantes de niveau B)1. Cette intervention par cathéter bloque les nerfs sympathiques rénaux. Elle n’est pas recommandée chez les patients atteints d’une déficience rénale de modérée à sévère (taux de filtration glomérulaire estimé [TFGe] <40 mL/min/1,73 m2) ou d’hypertension secondaire (classe III, données probantes de niveau C).

L’ESC recommande d’abaisser rapidement la PA systolique à une valeur ciblée de 140 à 160 mm Hg dans les premières 6 heures suivant la survenue d’une hémorragie intracérébrale aiguë (HIC) (classe IIa, données probantes de niveau A)1. Il s’agit d’un changement aux lignes directrices antérieures en insistant sur un contrôle rapide de la PA pour réduire l’expansion de l’hématome et améliorer les issues. Des essais randomisés contrôlés récents et de grande qualité corroborent cette prise en charge intensive précoce de la PA3,4. Les décisions thérapeutiques doivent tenir compte de la stabilité du patient, de sa PA de référence et des risques possibles d’une réduction rapide de la PA.

Le parcours décisionnel pour le traitement de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection réduite qu’a établi le consensus d’experts de l’American College of Cardiology (ACC) privilégie les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine (IRAN) (p. ex. sacubitril-valsartan) plutôt que les inhibiteurs de l’ECA ou les ARA comme thérapie de première intention pour les patients dont l’IC-FEr est nouvelle (niveau des données probantes non indiqué)5. Cette recommandation a été corroborée par l’étude auprès de patients en consultation externe PROVE-HF (Prospective Study of Biomarkers, Symptom Improvement, and Ventricular Remodeling During Sacubitril/Valsartan Therapy for HF) qui a démontré des bienfaits dans le remodelage cardiaque, la réduction de la prohormone N-terminale du peptide natriurétique et l’amélioration de l’état de santé. Cette approche s’éloigne du modèle traditionnel par étape commençant par un inhibiteur de l’ECA ou un ARA avant de faire une transition vers un IRAN. Un inhibiteur de l’ECA est préférable à un IRAN chez les patients dont la PA systolique est inférieure à 100 mm Hg ou ayant une grave déplétion du volume.

Le consensus d’experts de l’ACC en 2024 mentionné ci-haut recommande une amorce et un titrage rapides des 4 piliers de la thérapie médicale guidée par les lignes directrices chez les patients atteints d’IC-FEr, dans le but d’atteindre les doses ciblées ou maximales tolérées dans l’intervalle de 3 mois (niveau des données probantes non indiqué)5. Les 4 principales classes de médicaments incluent les IRAN (ou des inhibiteurs de l’ECA ou des ARA), des β-bloquants, des ARM et des SGLT2I. S’ils sont tolérés, des agents multiples peuvent être amorcés simultanément, et plus de 1 titrage de dose peut être fait à chaque visite. Des ajustements fréquents et des suivis structurés sont recommandés, guidés par la PA, la fonction rénale et la surveillance des électrolytes. L’essai STRONG-HF (Safety, Tolerability, and Efficacy of Rapid Optimization, Helped by NT-proBNP Testing, of Heart Failure Therapies) préconise un titrage plus rapide, dans les 6 semaines suivant le congé, comme démontré par une réduction des hospitalisations et de la mortalité dues à l’insuffisance cardiaque.

L’American Heart Association recommande d’envisager une statine chez les patients souffrant d’arthrite rhumatoïde (recommandation faible, données probantes de niveau B-R)6. Parce que l’inflammation systémique chronique accélère l’athérosclérose, les patients atteints d’arthrite rhumatoïde sont à risque accru d’un AVC et d’événements cardiovasculaires. Un traitement par statines chez des patients souffrant d’arthrite rhumatoïde présentait un rapport de cotes de 0,67 (IC à 95 % de 0,51 à 0,89) pour la réduction des événements indésirables majeurs par rapport à aucun traitement par statines. L’arthrite rhumatoïde n’était pas sur la liste des problèmes pour lesquels une statine est indiquée dans les lignes directrices sur la dyslipidémie de la Société cardiovasculaire du Canada de 2021, mais elle figurait parmi les indications d’un dépistage plus précoce7.

L’American Diabetes Association (ADA) recommande la mesure de l’indice tibio-brachial (ITB) pour dépister la maladie artérielle périphérique (MAP) chez les personnes asymptomatiques atteintes de diabète de 50 ans et plus, ou chez celles ayant une maladie microvasculaire, des complications aux pieds ou d’autres atteintes à un organe cible (données probantes de grade B)8. Il faut envisager un dépistage chez les personnes qui souffrent de diabète depuis 10 ans ou plus. Une détection précoce d’une MAP au moyen de la mesure de l’ITB permet des interventions en temps opportun, y compris dans le mode de vie (p. ex. cessation du tabagisme, exercices structurés), sur le plan pharmacologique (p. ex. statines, combinaison d’aspirine et de rivaroxaban à faible dose) ou des stratégies de soins des pieds, réduisant ainsi les complications et les amputations. L’essai VIVA (Viborg Vascular) appuie le dépistage de la MAP en démontrant une réduction des hospitalisations et de la mortalité grâce au dépistage vasculaire, quoiqu’il soit nécessaire de faire des essais précisément sur la MAP pour confirmer des bienfaits directs. Cette recommandation a aussi reçu l’aval de la Société cardiovasculaire du Canada9.

Les lignes directrices sur la rétinopathie diabétique du National Institute for Health and Care Excellence de 2024 recommandent une évaluation en ophtalmologie avant et après un traitement pour le diabète susceptible de résulter en une baisse considérable et rapide du taux d’hémoglobine A1c (aucun niveau de données probantes indiqué)10. Même si un contrôle glycémique à long terme réduit la progression de la rétinopathie diabétique, des améliorations rapides dans les taux de glycémie peuvent accélérer une rétinopathie préexistante et causer une aggravation transitoire, y compris un œdème maculaire accru, des hémorragies ou d’autres complications, comme un décollement de la rétine. Durant cette période d’aggravation transitoire, les patients courent le risque de complications menaçantes pour leur vision. La détection de rétinopathies préexistantes permet une intervention et une surveillance rapides. Cette recommandation a reçu l’appui de l’ADA11.

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